Chronique des temps barbares
Café Littéraire de la Terrasse - Chronique des temps barbares (12)

À vos souhaits !

Comment lutter contre la grippe mexicaine,
 ou grippe porcine,
 ou grippe A/H1N1,
ou encore grippe pas fière pour ne pas la confondre avec la grippe aviaire

D’abord, comment la reconnaître : en vous regardant dans la glace le matin !
   Deux grosses moustaches vous sont poussées dans la nuit, votre robe de chambre s’est transformée en poncho, votre bonnet de nuit en un grand chapeau mexicain et vous avez une guitare sous le bras : vous êtes atteint !

Premier réflexe : ne pas s’affoler
   La grippe pas fière est bénigne, la preuve : elle baisse la tête et vous y avez gagné une guitare. Comme chaque année la grippe fait une dizaine de milliers de morts dans le monde, mais les accidents de la route en produisent dix fois plus, ainsi les famines que nos sociétés tolèrent ou organisent, les guerres qu’elles fomentent, les produits issus de l’industrie des défoliants avec lesquels elles arrosent nos aliments en herbe comme en graine ou en fruit, dix fois, cent fois, mille fois plus !
  La grippe est donc non seulement bénigne mais encore c’est une bénédiction : vous allez pouvoir vous reposer pendant une semaine, récupérer ainsi une partie de vos cotisations de sécurité sociale, et lire quelques bons bouquins, écouter France Musique ou France Culture quand vos yeux seront fatigués ou regarder, de temps en temps, Arte à la télévision et vous éviterez, à tout prix, les trois premières chaînes qui vous feraient rechuter irrémédiablement (dans irrémédiablement il y a diable, alors, attention !). La bêtise tue plus que la grippe. Vous êtes prévenus.

Deuxième réflexe : couchez-vous
   Restez au chaud chez vous. Si vous êtes à la rue, allez à l’hôpital (c’est chauffé mais dangereux, un vrai bouillon de culture, des staphylocoques dorés ou non dans tous les coins, des bactéries, je ne vous dis pas, et des virus de toutes les couleurs), en taule (c’est moins bien chauffé, aussi l’Administration a prévu de vous faire coucher à cinq par lit ; c’est étroit mais la corde est fournie si vous n’aimez pas la promiscuité) ou encore chez le député de votre banc, ou encore chez Monsieur Gilles de Robien, Monsieur Jean-Louis Borloo ou Madame Christine Boutin. Il est certain qu’ils vous ouvriront leur porte et vous ménageront un lit dans leur modeste logement. Si ce n’était pas le cas, faites-le savoir haut et fort avec l’aide d’autres grippés du même banc en vous baissant lorsque les forces de l’ordre tireront (elles tirent au niveau du visage mais généralement elles ratent le nez et la gorge – c’est pourtant là que réside le virus de la grippe – et atteignent l’œil ; ce sont de piètres tireurs et de mauvais médecins). Donc, baissez-vous. Ou mieux, couchez-vous.
  Couchez-vous donc dans tous les cas.

Troisième réflexe : soignez-vous
   Soignez-vous planter les choux, à la mode, à la mode, soignez-vous planter les choux, à la mode de chez nous ? Non et oui ! Planter des choux, ce n’est pas raisonnable dans votre état. Mangez-les plutôt. Faites-les blanchir dix minutes à l’eau bouillante et salée, coupés en tranches moyennes, deux ou trois centimètres, pas plus ; pendant ce temps, faites revenir dans une poêle deux beaux oignons dans l’huile d’olive et lorsqu’ils sont blonds, jetez vos tranches de choux égouttées sommairement en ajoutant un bon morceau de beurre non pasteurisé et éventuellement quelques graines de carvi (cumin de Hollande à ne pas confondre avec le cumin du Maroc). Touillez de temps en temps. Attendez que le choux attache légèrement, qu’il soit roussi voire légèrement brûlé ; c’est prêt. Arrosez avec le jus de cuisson de la pintade fermière que vous avez fait rôtir en cocotte (recette une prochaine fois). Servez chaud, mais non brûlant. Vous m’en direz des nouvelles !

Quatrième réflexe : soignez-vous encore, soignez-vous toujours
   À la fin des années quarante, ma mère se trouvait en Angleterre et elle attrapa une grippe, celle qui passait par là, anglaise peut-être, italienne (pourquoi pas ? c’est vrai, il n’y a que des grippes avec des banderilles, des épées, des baguettes ou des guitares. Pourquoi n’y aurait-il pas des grippes avec une belle voix, des grippes à la Rossini, à la Verdi, à la Monteverdi ? hein ? Pourquoi ?), bref, une bonne grippe (on dit une bonne alors qu’on pourrait la dire mauvaise si elle l'était vraiment) et le médecin qui la visita lui dit (je traduis) : « Soit je vous fais une ordonnance, vous prenez ces médicaments et vous en avez pour huit jours, soit encore je ne vous fais pas d’ordonnance, vous ne prenez pas de médicaments, et vous en avez pour huit jours. »
  Ma mère choisit le « sans ordonnance » et se releva… huit jours plus tard, guérie.

Quatrième réflexe : méfiez-vous des media, l’OMS est sous contrôle !
   Journaux écrits, journaux télévisés, journaux radiodiffusés vous bassinent avec un mort par-ci, un mort par-là, victimes de la grippe A/H1N1 ; pour peu, ils en inventeraient. Il y en a des milliers d’autres, chaque jour, desquels on ne parle pas, des morts du sida, de la tuberculose, du choléra, des morts de radiations, d’empoisonnement, des guerres, sous la torture, dans les prisons, dans des attentats, sur les routes, de vieillesse, délabrés, en pleine jeunesse, beaux. Et tous ceux-là n’existent plus devant la campagne publicitaire fabuleuse que les laboratoires Roche et Glaxo, bientôt accompagnées des voix de Sanofi et Novartis, ont lancée pour vendre leur camelote et il sera difficile de faire la part entre les « dommages collatéraux » liés à la vaccination probable et peut-être même obligatoire des populations, et particulièrement celle des jeunes organisée par les gouvernements – rappelez-vous l’hépatite B –, la médicalisation par le Tamiflu (osealtamivir) ou le Relenza (zanamivir) dont l’efficacité est loin d’être parfaite (60% environ), les risques secondaires réels, ceux liés à leur prise par certains (tendance suicidaire et autres joyeusetés) et ceux liés à leur prise par tous (mutation du virus), et la réalité de la mortalité due à la pandémie.

Cinquième réflexe : lisez ou relisez « Nemesis médicale » d’Ivan Illich
   En 1975 paraissait en France l’ouvrage d’Ivan Illich, « Nemesis médicale », violente diatribe contre le système qui se mettait en place et dont on ne mesure pas encore les effets. L’Église contrôlait les âmes, les industries pharmaceutiques et médicales prenaient le contrôle des corps. Le nouveau missionnaire gantait ses doigts de caoutchouc et son nez d’une fine gaze en vous promettant le paradis sur terre, l’éternité. Les maladies ? éradiquées ! la mort ? un fantasme, oubliée ! Gardons les pieds sur terre avant de les avoir, et c'est certain, en-dessous. Bien sûr, nous serons malades un jour (la panoplie est vaste) et nous nous en relèverons, bien sûr, nous mourrons et nous ne nous en relèverons pas. Et alors ! la belle affaire. En attendant, vivons, non ? sans engraisser ces apprentis sorciers qui ne veulent que leur bien !

Sixième réflexe : Dormez tranquille, vous n’avez que la grippe
   Vous auriez pu attraper un contrôle fiscal, une contravention pour avoir mordu sur quelques centimètres un passage protégé, une note d’électricité trop salée, une listériose avec un plat préparé acheté au supermarché, un coup de matraque ou une balle dans l’œil en regardant passer une manifestation. Ce n’est qu’une grippe, après tout ; vous auriez pu attraper pire. La grippe, malheureusement, ne garantit pas contre ces autres maux ! C'est son seul défaut.

Septième réflexe : Vous êtes chez vous, buvez un coup sans crainte des képis
   Savez-vous qu’un bon grog, avec un bon rhum (nos départements d’Outre-Mer en produisent de fabuleux), arrosé de citron et parfumé de cannelle, de clous de girofle, de badiane (anis étoilé), de sauge et de miel, est un remède souverain contre la grippe et fait voir la vie en rose. À consommer avec modération, dit-on, quoique, si vous devez y passer, triquez joyeusement avec Elle, son visage est moins lugubre que ceux des blouses blanches qui ne vous en auraient pas tiré des mains, ni même permis ce dernier bonheur !

Bonne grippe !

Un article bien documenté que l'on peut consulter sur l'histoire de la grippe et ses manipulations

Patrice Bérard, le 21 août 2009

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