Chronique des temps barbares
Café Littéraire de la Terrasse - Chronique des temps barbares (18)

Sous le voile...

Il faut croire que croiser en France une femme voilée offusque le regard plus encore que le spectacle de cette autre, que plus rien ne voile, gesticulant sur nos écrans pour vanter le yaourt qui lui fait les os solides, le teint de pèche et la crotte aisée.

Avez-vous d’ailleurs remarqué que ces publicités scatologiques ou urologiques passent sur votre écran juste avant l’heure du repas ? C’est l’heure des fuites. On fuit y de tous côtés et l’hiver venu, on y expectore, on y crache, on y tousse. On n’y attend plus que les pets, les rots, les renvois de toute sorte dont on s’étonne que les publicitaires ne s’en soient pas encore emparés. C’est à chier, non ?

À la même heure, un vieillard encore en bonne santé dévore à pleines dents un hamburger, mélange de viandes hachées récupérées sur des carcasses de vaches réformées, d’oignons et de filaments de salade, bloqué entre deux tranches d’un pain – mais est-ce encore du pain ? – insipide et collant aux gencives, tandis qu’un bandeau vous conseille de manger au moins cinq, sept, voire quinze, à qui dira mieux, légumes et fruits par jour, ce qui vous obligera à consommer boîtes sur boîtes de macédoines de légumes ou de fruits… Et l’on gobe sans rire ces conseils hypocrites qui ne signifient rien d’autre que « empoisonnez-vous chez nous et tâchez de récupérer chez vous ».

Il me revient une vieille histoire, authentique, que m’avait rapportée un ami de mon beau-père, Janny. Il était éleveur et producteur de lait à cette époque. Un jour, en allant chercher ses vaches au pré, il en trouva une les quatre sabots en l’air. Elle était morte et bien morte. De quoi ? Il ne savait pas. Mais était-ce important ? En revenant chez lui pour téléphoner à l’équarrisseur, il rencontra l’un de ses voisins à qui il conta son infortune. Perdre un animal, c’est perdre aussi une partie de son capital et ce n’est jamais plaisant. « L’équarrisseur ? lui répondit son voisin, mais tu n’y penses pas. Canigou t’en donnera un bon prix, et au lieu de tout perdre et de payer de surcroît, tu seras dédommagé pour cette bête qui t’a rendu des services mais, bref, qui n’est plus en état.. » Et Janny de téléphoner aussitôt à l’entreprise en question et puis à d’autres encore pour les mettre en concurrence. Finalement, c’est une entreprise spécialisée dans l’alimentation humaine, dans la confection de pâtes et de sauces en tous genres, dont ces peu ragoûtants, ces gluants raviolis en boîte, qui l’emporta.

Cela se passait il y a une bonne vingtaine d’années. On se plaît à penser que ce type de pratiques a totalement disparu de nos jours mais un de mes amis m’a confié que les viandes vendues en barquettes et sous cellophane ne sont pas toujours jetées lorsque la date limite de vente est dépassée mais parfois re-conditionnées sous forme de pâtés, et pas pour l’alimentation canine ou féline… Mangez cent trente légumes et fruits par jour !

À cette même heure et sur le petit écran qui est devenu grand, passent des voitures aux vitres fumées, roulant dans des rues ou sur des routes quasi désertes – avez-vous remarqué que vous n’êtes jamais tout seuls quand vous roulez ? – ou ces deux vrais faux vieux qui, roulant sans doute encore au volant de ces bolides et conscients du risque d’y terminer leur vie comme pâté en sa boîte métallique, souscrivent une convention décès qui leur permettra de choisir leur beau cercueil en chêne, ou simili, alors qu’ils sont loin d’être certains de pouvoir être désincarcérés de la carcasse de leur véhicule. Une bonne boîte en tôle froissée, cela vaut bien les compressions de César. Terminer sa vie comme une œuvre d’art, en voilà une belle fin. Et imaginez la tête des voisins lorsque ce cercueil à deux places, voire quatre, sera porté par une grue jusqu’au cimetière. Tout le monde ne se fait pas enterrer en Honda, en Renault ou en Mercedes. La classe, non ?

Ah oui, j’avais commencé avec le foulard et je me suis attardé en route. Je reprends…

Il est vrai que ma mère, dans les années cinquante, en portait lorsqu’elle allait à la messe. Mais elle n’y allait pas souvent. Il est vrai qu’elle en portait aussi pour sortir dès qu’il faisait froid. Et ses amies, et ma grand’ mère… Toutes en portaient. Mais c’était une autre époque. À cette époque, les femmes n’avaient que le droit de se taire même si on les entendait quand même à la maison. Maintenant, les femmes ont acquis des droits. Elles ont le droit de parler, même à l’Assemblée Nationale. Si, si, on a même le droit de voter pour elles mais elles ne sont pas nombreuses à se présenter. Les partis qui vont les chercher rechignent à les considérer comme des hommes politiques et c’est normal, ce sont des femmes… Alors ils en présentent peu. Juste ce qu’il faut pour faire le ménage à l’Assemblée, laver le linge des hommes et faire la vaisselle. Qui, mieux qu’une femme, pourrait le faire, je vous le demande ?

Cela n’empêche pas qu’aujourd’hui le foulard devrait être proscrit dans notre pays. Il n’y a plus que de pauvres femmes à qui on l’impose. Et qui l’impose ? Des musulmans bien entendu, des hommes qui lapident encore des femmes enterrées jusqu’au cou, quelle barbarie. Chez nous, les femmes peuvent se défendre contre les coups de leur mari qui ne les massacrent pas à coup de pierre. C’est bon pour les barbares, ça ! À poings nus, en hommes, et ils leur laissent les mains libres afin qu'elles puissent se défendre, se battre ou se protéger la figure avec leurs avant-bras… Elles ne sont pas stupides au point de se laisser tabasser à mort. Ah bon ? Il y en a eu cent soixante-six en France en 2007 ? Mais c’était il y a trois ans. C’est vieux tout ça, c’est dépassé… Et deux millions battues la même année ? Oui, eh bien ! c’est comme le nombre de juifs qui seraient morts en déportation pendant la dernière guerre alors qu’ils travaillaient glorieusement pour l’occupant. Elles ont dû mourir du typhus, comme eux. Le typhus, c’est méchant, plus encore que le choléra… Il y a d’autres laxatifs… moins agressifs… Mangez des yaourts ! C’est dit à la télé, avant le « Jité », donc c’est vrai. Et quatre cent soixante dix-sept légumes et fruits par jour…

Il est vrai aussi que cela peut-être beau, un beau foulard, ou un grand châle flottant au vent. Cela peut mettre en valeur un joli visage, ou même un moins beau, mais qu’importe, s’il sourit, il sera toujours beau et quel que soit l’âge de la femme qui s’en vêt. Regardez ces indiennes comme elles le portent, drapées du sari. Ça a de la classe, non ? C’est tout de même mieux qu’un monceau de tôles froissées et c’est moins dangereux.

Mais je divague, là. Laissez-moi me reprendre… Un foulard, ça peut être beau ailleurs, loin, dans des documentaires, à la télé. Ici, non ! Tiens, bonjour ma sœur… Transmettez bien mes respects à Monsieur le curé… Je reprends… Cette sœur porte le voile ? Mais non. Ce n’est pas un voile. C’est un habit ordinaire. Et le curé, s’il porte une robe ? Eh bien oui. C’est normal. Il obéit aux prescriptions de saint Pie X. Ce n’est pas un polonais qui fera la loi en France, d’autant qu’il est mort et enterré et sans avoir pris le souci de souscrire une convention décès, laissant à ses ouailles le soin, que dis-je le soin, la charge de l’enterrer. Pas de conscience, ces étrangers…

Donc, j’en reviens à mes propos, plus de foulard, Hermès peut aller se rhabiller, plus de cachez-nez, plus de casque pour les motocyclistes, la casquette ou le béret, peut-être, mais dans le bon sens, à la campagne uniquement et pour ceux qui auront dépassé quatre-vingts ans, la capuche, surtout pas, tous les jeunes robeux en portent pour cacher leurs yeux fuyants, la robe des musulmans, interdite, réservée aux curés seuls, noire et à boutons, la barbe, courte, taillée ou longue, à la Gainsbourg, à la Eiffel, à la Renoir, interdite. Amende pour tous ceux et toutes celles qui ne s’y conformeraient pas, reconduite à la frontière même si l’on doit remonter à la cent cinquante-troisième génération pour démontrer qu’elle est légitime, non pas la barbe, vous m’avez bien compris, mais cette expulsion de notre beau territoire.

On est en France, non ? Le pays des droits de l’homme. Faut-il que ce soit un hongrois, un étranger qui vous le rappelle ? C’est lui qui a lancé ces belles campagnes contre le voile et contre les roms. Non, Marine, il ne marche pas sur nos plates-bandes. Il nous accompagne, il nous fait une haie d’honneur, il nous ouvre un boulevard, tout en restant sur le côté, à sa place, celle qu’il ne quitte jamais, celle des nains de jardins…

(Ce que je viens d'écrire m’effraie. Monsieur Sarkozy n’a rien d’un nain de jardin bien que cette image lui soit souvent accolée, en haine ordinaire et que je ne partage pas. Je ne puis cependant rester insensible face à ces campagnes monstrueuses dont le fond raciste n’a pas été renié cette semaine par leur auteur qui persiste et signe.
Hier soir, heureusement, j’ai rencontré bien de ces barbares ou qualifiés tels, des iraniens, des afghans, des canadiens et même des français. Barmak Akram, réalisateur du film « L’Enfant de Kaboul » y était à l’honneur à l’occasion de la sortie de deux de ses poèmes aux Éditions du Centre Vendôme pour les Arts Plastiques, poèmes illustrés par Dominique le Tricoteur. Barmak Akram ne se contente pas d’écrire, ni même d'écrire en français ou de réaliser des films. Il compose, il chante, il chante en français, il chante en farsi, il s’accompagne à l’harmonium, et il était accompagné par un percussionniste qui maniait le « Daf » comme un dieu. Louée soit cette diversité culturelle qui nous fait sortir de ces discours sanglants barbares qui abreuvent les sillons de nos écrans et qui constituent un ordinaire dont nous nous passerions volontiers.)

Allez ! Je reprendrai cette chronique plus tard. Après avoir entendu un président essayer, mais vainement, de justifier ses paroles et ses actes concernant les roms, il ne me reste plus qu’une chose à faire si je vais à l’étranger et qu’on me sait français : me voiler, de honte, la face.

Patrice Bérard, ce 19 novembre 2010

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