Exemple 5 - Un vieil homme éconduit un représentant en encyclopédies
Café Littéraire de la Terrasse - L'atelier d'écriture

Rôle et usage des affixes - 1 - Les préfixes

Résumé : Les préfixes en français ont pour rôle principal de préciser des directions. En étant des directionnels, ils procèdent aussi par inversion, inversion de procès (défaire et refaire face à faire), inversion des personnes (causatif : agrandir face à grandir), inversion totale (négation : amoral et immoral face à moral). Ils sont adjoints aux verbes ou aux mots, ou ils en sont partie intégrante, de façon précise et ciblée et non point arbitraire. Chacun possède rôle et fonction, et ceux de l'un ne recouvrent pas ceux de l'autre. Ils sont complémentaires.

Les contraintes proposées : écrire un texte ne comportant que des verbes préfixés ou semblant l'être en s'interdisant l'emploi des verbes être et avoir.

Le sujet proposé était : Un vieil homme éconduit un représentant en encyclopédies

Texte proposé par l'animateur.

Le vieil homme, agrippé aux accoudoirs de sa chaise roulante, ressentait fatigue et agacement devant l’insistance de ce représentant en encyclopédies à lui présenter, avec force éloges peu vraisemblables et courbettes trop appuyées, ces volumineux ouvrages, embellis, enlaidis plutôt, d’images aux couleurs criardes. Il interrompit brusquement l’importun.
« Monsieur, vous arrivez chez moi sans prévenir, vous parvenez jusqu’à moi en accomplissant quelque prodige sur ma femme de ménage qui éconduit ordinairement sans ménagement les gens de votre espèce, hâbleurs, bonimenteurs, sans éducation ni culture, vous m’assommez de paroles inutiles et vaines – de plus, j’attends du monde –. Je vous conjure donc de reprendre vos volumes, de les enfourner dans vos valises et de rentrer chez vous ou de les proposer à d’autres, mais pas à moi, ces amas de bêtises, ces bribes de culture mal dégauchies, enjôleuses et cajoleuses indignes de ma maison. M’entendez-vous bien ? ».
L’importun, peu accoutumé à ce genre de discours, mais filou, beau parleur, reprit :
« Cher Monsieur, accordez-moi encore un instant. Vous épargnez votre argent en méprisant ces ouvrages, mais vous ne m’épargnez pas, non plus que vos enfants ou vos petits-enfants qui s’en instruiraient de façon ludique, qui les dévoreraient comme pain blanc. De prestigieux écrivains et de non moins prestigieux scientifiques collaborèrent à la rédaction de cette encyclopédie. Vous les ignorez, vous les injuriez en les méconnaissant. Regardez-les bien, ces ouvrages, car je ne reviendrai pas. »
Le vieil homme répondit : « Je ne vous le demande pas non plus. Je vous demande simplement de déguerpir de chez moi accompagné de vos cliques et de vos claques. N’insistez pas ! Votre présence me déplaît et m’incommode. Adieu, Monsieur ! »
Quelque peu déconfit, le représentant remballa ses encyclopédies tout en remâchant ces mots qui lui remontaient à la cervelle à chaque insuccès : encore un, encore un qui me rejette. Pour une fois que j’arrivais à dépasser le seuil d’une maison, un exploit, sans qu’on me referme la porte au nez, pour une fois que j’arrivais à déballer sans trop d’encombres mon baratin, éculé certes mais encore efficace, voilà qu’un vieil homme, avare et orgueilleux, se déleste de son fiel sur ma pauvre personne. Enfin ! Refaisons le trajet inverse, retraversons le salon, reprenons le couloir, repartons sans nous départir de notre calme ni de notre politesse habituelle. « Au revoir, Monsieur. »
« Adieu, répliqua le vieil homme, adieu. Et ne remettez pas les pieds ici. »
Vieux croûton ! Quand je reviendrai, tu ne me repousseras pas, foi de colporteur. Six pieds sous terre, tu reposeras six pieds sous terre et tes successeurs m’accueilleront les bras ouverts. Tu ne l’emporteras pas en paradis.
Ainsi maugréait l’importun en traversant la rue pour rejoindre son automobile, droit devant, l’air absent. Au même instant, le conducteur du camion qui se rendait sur son chantier allumait négligemment sa cigarette, un instant d’inattention, d’un côté comme de l’autre, un côté de trop sans doute. Le camion renversa l’importun, lui défonçant et les côtes et le crâne. Des valises éventrées, des feuilles s’échappèrent, décorées d’images aux couleurs criardes. « Bon dieu ! » s’écria le camionneur. « Mon dieu » retourna l’importun avant de rendre l’âme tandis que résonnaient encore en sa cervelle éparse les paroles du vieil homme, « Adieu Monsieur, adieu, adieu.. »

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