Pierre Brulé - Voyage en pilosité grecque
Conférence de Pierre Brulé
Exemplier pour le samedi 7 mars 2009 au café de la Terrasse à Trôo

Dans le sens du poil. Variations sur les sens du poil grec (antique !)

Pierre Brulé

Parlons biologie
1- En même temps que les ongles, les cheveux s’enracinent dans la tête. Voici ce qui en est de la nature des poils : ils viennent les plus longs là où l’épiderme est le plus poreux et où le poil trouve une humidité suffisante pour sa nourriture. Là où l’épiderme devient poreux tardivement, les poils poussent tardivement (ὓςτερον) : au menton, au pubis (ᾓβῃ) et ailleurs. En effet, avec le sperme qui se forme, la chair de-vient poreuse ainsi que l’épiderme, les veines s’ouvrent plus que dans les premières années, car, chez les enfants, les veines étant minces, le sperme n’y passe pas ; la même explication convient pour les règles des filles. La voie s’ouvre en même temps pour les règles et pour le sperme. Le pubis (ᾓβη) du garçon et de la fille se couvre de poils quand l’épiderme est devenu poreux. Alors aussi, le poil dispose d’une humeur suffisante pour sa nourriture et non plus trop peu. C’est la même chose pour le menton de l’homme ; l’épiderme devient poreux, l’humidité y vient de la tête. En effet, et pendant le coït et pendant les intervalles de temps, le poil a une humidité convenable pour sa nutrition ; c’est alors que le temps arrive pour l’humide, pendant le coït, de descendre de la tête au menton, la poitrine étant plus éloignée.
Les femmes sont glabres au menton et au corps, parce que, chez elle, durant le coït, l’humide n’est pas agité comme chez l’homme et ne rend pas l’épiderme poreux. (Hippocrate, De la nature de l’enfant, 20-21).

2 - Chez l’homme, qui est l’unique animal où cette distinction apparaît, certains poils existent à la naissance, les autres ne viennent que plus tard avec l’âge (ὓστερον). Existent à la naissance (συγγενεîς), les cheveux, les cils et les sourcils ; viennent plus tard (ὓστερογενεîς ), d’abord les poils du pubis, puis ceux des aisselles et en troisième lieu ceux du menton… Les poils qui disparaissent avec l’âge et tombent plus que les autres et les premiers sont ceux de la tête. Mais il s’agit seulement de ceux du devant. Car personne ne devient chauve par derrière… [Mais ni la calvitie, ni la chute des sourcils] ne frappe quiconque n’a pas baisé. Il n’y a pas d’enfant chauve, ni de femme, ni d’eunuque. Mais si la castration est faite avant la puberté, les poils qui devraient apparaître tardivement, ne poussent pas ; si elle est faite plus tard, ces derniers seuls tombent, sauf ceux du pubis... La femme n’a pas de poils au menton ; quelques unes cependant en ont un peu, après la ménopause ; c’est le cas aussi des prêtresses, par exemple, en Carie, et le fait passe pour un présage. Les autres poils existent aussi chez les femmes mais sont moins abondants. Il y a aussi des hommes et des femmes qui, congénitalement, sont dépourvus des poils qui apparaissent tardivement, et qui en même temps sont impropres à la génération, ceux du moins qui n’ont pas de poils au pubis (Aristote, Histoire des animaux (III 11 518 a – b).

3 - La pratique de l’amour hâte la chute des poils qui existent dès la naissance, tandis qu’elle favorise la poussée des poils qui viennent après (Arist., HA, 584 a 23).

L’oblation rituelle de la chevelure
4 –Lykôn a coupé au moment voulu le duvet qui fleurissait sous ses tempes et, sur ses joues, annonçaient sa virilité ; il l’a consacré à Phoibos en première offrande et lui a demandé, dans ses prières, de couper de même un jour des poils blancs de ses tempes chenues. Accorde-lui la longue vie qu’il souhaite ; et fais que, dans sa vieillesse neigeuse, il reste tel que tu l’auras rendu (Antipater de Thessalonique)

5 –Voici les boucles de Charisthénès, avec une cigale d’or ; c’est Kallô qui a consacré aux jeunes [déesses] d’Amarynthos, avec un bœuf, la chevelure du jeune garçon, le tout purifié à l’eau lustrale. Quant à l’enfant, il brille comme un astre, comme un cheval qui vient de quitter sa robe duvetée de poulain. (Théodoridas)

6 – Avant son mariage, Timaréta t’a consacré, Marécageuse, ses tambourins, son ballon préféré, la résille qui retenait sa chevelure. Et ses boucles, elle les a dédiées, comme il convenait, elle vierge, à la vierge Artémis, avec ses vêtements de jeune fille. En retour, fille de Léto, étend la main sur la fille de Timarétos et veille pieusement sur cette pieuse fille (Anonyme).

Le poil physiognomonique, ethnique et anthropologique
7 - Quelques-uns des signes physiognomoniques nous révèlent directement et sans aucun intermédiaire le tempérament. Ces signes sont, par exemple, ceux qui se rapportent à la couleur, aux cheveux, et encore à la voix ou aux fonctions des parties (Galien, Que les mœurs de l’âme sont la conséquence des tempéraments du corps, 7).

8 – [En Egypte], pour uriner les hommes s’accroupissent les femmes restent debout. Dans les autres pays, les prêtres des dieux portent les cheveux longs : là, ils se rasent. Chez les autres peuples, en cas de deuil, ceux que ce deuil atteint le plus directement se tondent la tête ; les Egyptiens, lors des décès, laissent pousser leurs cheveux et leur barbe, eux qui jusqu’alors étaient rasés (Hérodote, II 35, 2-3 ; 36, 1).

Le syndrome de Sanson
9 - Thésée, encore inconnu de tous, arriva dans la cité ; il portait un manteau jusqu’aux pieds et sa chevelure était tressée avec grâce, arrivant au temple de Delphinios, les ouvriers qui faisaient le toit lui demandèrent, pour se moquer de lui, ce que faisait une parthénos en âge de se marier à s’égarer ainsi toute seule ; Thésée pour toute réponse, dit-on, détela les bœufs du char qui était près d’eux, et les lança plus haut que le toit du temple qu’ils construisaient » (Pausanias, I 19, 1).
10 - Voici ce qu’imagina Lycurgue : au combat, on porterait un vêtement rouge, car aucun, ne ressemble moins à celui des femmes et il convient tout à fait pour la guerre. Il a aussi autorisé ceux qui étaient parvenus adultes à laisser croître leur chevelure, estimant qu’ils paraîtraient ainsi plus grands et auraient un aspect plus noble et plus terrible (Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, XI, 3).

Les poils d’Eros
11 - Ami de Socrate - Je trouve que c’est toujours un bel homme, mais un homme pourtant, soit dit entre nous, Socrate, et déjà bien barbu.
Socrate – Eh bien ! Qu’est-ce que cela fait ? N’es-tu pas de l’avis d’Homère qui a dit que l’âge le plus charmant était celui du premier duvet, justement l’âge d’Alcibiade ?

12 - Je vous ai parlé des courtisanes qui étaient dans tout leur éclat ; mais je ne vous dirai rien de ces joueuses de flûtes qui en étaient encore, il y a un instant, à leur premier duvet, et qui vous brisent en moins que rien, contre argent, les genoux même d’un portefaix (Athénée, XIII 571 b).

Épigrammes amoureuses de l’Anthologie Palatine
13- Le concombre en primeur au jardin a du prix. On le donne aux porcs quand il est mur (XII 197)
14 - La rose un court instant fleurit : passe et reviens la chercher : tu n’as plus de roses, mais des ronces (XI 53)
15 - Ta jambe, Nicandros, devient poilue, prends garde ! Que ta cuisse sans prévenir n’en fasse autant ! Et tu verras combien tes amants se font rares ! A ta jeunesse sans retour il faut songer dès maintenant (XII 30).
16 - A ceux qui soutenaient que la beauté exerce une vraie tyrannie : foin d’une tyrannie, répliquait Bion, qu’un poil suffit à renverser ! (Stobée, Flor., 66, 5).
17 - Douze ans, bel âge qui m’enchante ! Mais l’enfant de treize ans a beaucoup plus d’attraits ! Avec deux fois sept ans. Vous avez une fleur des amours plus douces. Encore plus charmeur Celui qui va entrer dans troisième lustre! Seize ans, année des dieux ! Dix-sept n’est pas pour moi, C’est réservé à la chasse de Zeus ! Si d’un garçon plus âgé on est encore épris, ce n’est plus jeux d’enfants, c’est chercher la réplique ! (Straton, XII 4)
18 -Quel air sombre, Ménippe ! Te voilà drapé jusqu’aux chevilles, toi qui relevais naguère ton habit aux genoux. Tête baissée, tu m’as croisé sans rien me dire…Pourquoi ? Je le sais ce que tu caches ! Ils sont venus ceux-là dont je parlais ! (Straton, XII 176).

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